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Kim et les requins de Moorea

Par Cécile Berthe

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Kim, au milieu de la nuit polynésienne, installe le filet © Hugo Bischoff

Depuis septembre 2019, l'Observatoire des Requins de Polynésie compte une nouvelle bénévole très active au sein de l'association : Kim Eustache, étudiante en thèse à l'EPHE-CRIOBE et à l'Université de Amsterdam. Elle est arrivée en Polynésie pour la première fois en 2018 pour son stage de Master qui consistait à prélever des échantillons de requins à pointes noires et de requin citrons juvéniles pour étudier les populations de requin de récif autour de l'île de Moorea. Suite au travail qu'elle a effectué, ses responsables ont souhaité continuer à collaborer avec Kim au travers d'une thèse de doctorat, commencée fin 2019 et soutenue par l'ORP.

Ce doctorat consiste à comprendre les facteurs influençant la survie et la mortalité des requins de récifs et s'inscrit dans une optique plus générale de conservation des récifs coralliens : mieux comprendre les besoins des requins de récifs (habitats, ressources alimentaires, interactions avec les animaux de la même espèce) pour mettre en place des plans de protection adaptés.

Un suivi régulier depuis 10 ans

Kim va utiliser des données recueillies par l'équipe du Dr. Serge Planes, directeur de recherche CNRS du CRIOBE, depuis une dizaine d'années sur plusieurs zones de nurserie de requins citron et de requins à pointes noires autour de l'île de Moorea.
Une nurserie constitue une zone propice à la croissance des petits, permettant leur protection et assurant la fourniture de nourriture. Ces zones sont en général de faible profondeur, situées à proximité de la côte où les prédateurs (requins adulte) ne vont pas pouvoir accéder. Chaque année, les requins sont prélevés dans ces zones par les scientifiques. Plusieurs captures possibles :

  • des petits de l'année, reconnaissable à leur cicatrice de cordon ombilical encore visible,
  • des petits plus âgés (jusqu'à 1 ans et demi). Ensuite ils regagnent les zones fréquentées par la population de requins adultes,
  • des requins recapturés, c'est-à-dire des requins que les scientifiques ont déjà attrapés, cette année ou les années précédentes.

Requins à pointes noires (Carcharhinus melanopterus)
© Kim Eustache

Un travail de terrain soutenu

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Kim relâchant un jeune requin citron (Negaprion acutidens) © Jodie Rummer Kim en laboratoire @ Violaine Dolfo

Le suivi est effectué tous les jours de septembre à mars, période propice à la reproduction et la mise bas des requins. Les scientifiques partent sur les zones de nurserie en fin de journée, quand l’activité de chasse des requins se met en route. Ils installent alors un long filet de pêche qui va entraver momentanément les chemins de déplacements des requins. Une fois un requin coincé dans le filet, les scientifiques doivent s’occuper rapidement de l’animal afin que celui-ci ne meurt pas par asphyxie. Le travail de Kim consiste alors à prendre en photo l’individu, le mesurer, le peser et prélever un échantillon de tissu.
Les échantillons vont permettre, à travers des analyses génétiques, de reconstruire les arbres généalogiques des requins, pour identifier différents paramètres des populations de requins tel que :

  • le taux de reproduction (combien de requins une femelle met bas entre les années?)
  • le taux de survie (retrouve-t-on beaucoup de requins qui arrivent à l’âge adulte et qui vont pouvoir se reproduire à leur tour)?
  • la mortalité (si plusieurs petits ne sont vus qu’une fois et jamais recapturés à l’âge adulte alors il y a une forte probabilité de prédation, de manque de ressources ou de perturbations)

Ce suivi va aussi permettre de comprendre quels sont les déplacements des individus autour de l’île de Moorea. En effet, il arrive que des requins soient rencontrés une première fois par les scientifiques dans une nurserie, puis recapturés plus tard dans une autre.

L’objectif final pour Kim, au cours de sa thèse, est de compiler les données collectées par ce gros travail de terrain depuis 12 ans, afin d’essayer de prédire (à travers des modèles mathématiques) les changements de densité des requins autour de l’île en fonction de différents scénarios de conservation possibles. Par exemple si on protège certains groupes d’individus ou certaines zones de Moorea, quelles seront les réactions au sein des populations de requins (augmentation? diminution? déplacement de population?). À l’échelle de Moorea, ces modèles visent à identifier les plans de protection des requins les plus efficaces tout en prenant en compte l’urbanisation (toujours croissante) de l’île, facteur de stress important sur les nurseries, qui se trouvent la plupart du temps à proximité du rivage et donc de lieux d’habitation.

Passion partagée

En dehors de ses activités scientifiques, Kim a réalisé plusieurs actions de sensibilisation pour l’ORP. A la rencontre de jeunes en Polynésie française, Kim partage sa passion pour les requins et explique pourquoi il est important de connaître ces animaux et de les protéger. Pour cela, l’ORP dispose de plusieurs outils permettant de discuter avec les enfants autour de ces animaux emblématiques : posters, livret d’identification, jeux.

Kim a également passé du temps avec des plongeurs, premiers observateurs de l’Observatoire des Requins de Polynésie. Elle a pu leur décrire les différentes actions menées par l’ORP (compilation de données, aide aux recherches scientifiques et sensibilisation) et peut-être susciter de nouvelles vocations d’observateurs.

Extrait d’un reportage Polynésie la Première

Si vous êtes intéressés pour devenir observateur ORP : requinsdepolnesie@gmail.com
www.orp.pf
@observatoiresrequinspolynésie

Pour en savoir plus sur les actions du Criobe : criobe.pf

Thèse réalisée sous la direction de Serge Planes (CRIOBE) et de Isabel Smallegange (University of Amsterdam) intitulée : ‘Study of the factors that influence the recruitment success of blacktip reef sharks (Carcharhinus melanopterus) to improve conservation strategies.
Autorisation DIREN pour travailler sur les requins, espèces protégées en Polynésie française.

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